Acte I, Séquence 5
Il retourna l'objet d'un geste calme, théâtral.
Kenza s'approcha, curieuse.
L'objet était simple, fabriqué dans le commerce probablement. Un cadre en bois grossier, rectangle, fin. Et une vitre polie comme on en trouve partout.
Pourtant....
Pourtant Kenza n'y vit pas son reflet. Elle ne se vit tout simplement pas.
La stupéfaction la fit reculer.
- Qu'est-ce que...
- Tu ne t'y es pas vue non plus ?
- Je... Non.
Harry secoua la tête, et alla raccrocher le miroir à sa place.
Le miroir ne reflétait pas Kenza, ni Harry. Il ne reflétait pas plus la cave ou il se trouvait. Non. Il reflétait l'angle d'un plafond quelconque. Avec un bout de lampe ronde dans le coin inférieur gauche, et un morceau d'ombre de la lampe.
Les deux aventuriers contemplaient maintenant ce miroir étranges. On aurait pu le prendre pour un tableau. En fait, Kenza doutait même de l'existence de ce « miroir ».
- C'est un tableau, Harry. Rien qu'un tableau.
- Non.
Ils se dévisagèrent. Qui avait raison ?
- Je l'ai regardé très souvent. Et il change. Des fois, la lumière est allumée, des fois pas. Des fois, il fait plus sombre, des fois pas.
Kenza éclata de rire.
- C'est ridicule.
Soudain. Le garçon lui semblait irréel. Elle contempla les lieux sans plus y voir rien de magique.
Ce n'étaient que des peintures, des croûtes d'étudiants. Et ce tableau n'était qu'une photographie de mur.
C'était peut-être l'oeuvre la plus achevée de la pièce. La jeune noire tourna les talons, et se glissa par la fenêtre vers l'extérieur.
Si elle avait pris le temps, ne serait-ce qu'une seule seconde, de regarder Harry. Elle aurait vu son regard triste, le doute inscrit sur son visage, et l'abattement qui lui tombait sur les épaules.
Mais elle ne se retourna pas. Elle était en colère. En colère contre ses rêves, contre ses absurdités.
Elle se rua dans le buisson, sans prendre garde aux branches basses et récupéra ses ballerines échouées.
La cours n'était plus déserte. Le concierge avait ouvert la grille et quelques adolescents flânaient dans l'air matinal.
Kenza s'approcha de deux de ses amies, le regard sauvage et furieux. Ses cheveux noirs flottaient derrière elle, semant de petites feuilles vertes.