Je ne sais pas

Publié le par Löwely

Je me retrouvai seul dans la pièce, en prise avec mes remords. Je venais de l'abandonner derrière moi; j'étais incapable de gérer la situation. Las, je fis un geste pour m'approcher du mur et m'y adosser.

- Tu as peur.

- Davis ! Je... Je ne sais pas.

Je levai les yeux vers mon frère qui était entré sans bruit. Il me regardait droit dans les yeux, d'un air de défi. Ses cheveux sales encadraient sa figure pâle et sale, accentuant la blancheur de son rictus.

- Ce n'était pas une question. Je le sais. Depuis que_

- Arrête avec ça !

Mon cri le fit reculer d'un pas. Il baissa vivement la tête, dans une attitude de soumission comique. Un instant après, il avait repris contrôle sur lui-même.

- Comment ça a pu arriver ? Demandai-je.

- Je ne sais pas. J'étais sorti... prendre l'air. Il m'a attaqué par derrière dans un ruelle. Je me souviens juste qu'il puait atrocement et que ça sentait le chien mouillé...

- Et ensuite ?

- Je ne sais pas. Je me suis réveillé à l'hôpital avec des traces de morsure. Il y a deux jours, donc.

- Tu n'as aucun souvenir ?

Il secoua piteusement la tête, pris en défaut. Le silence Elvisba, lourd, entrecoupé seulement par la respiration saccadée et puissante de mon frère. Il leva vers moi des yeux de chien battu.

- Comment va-t-on faire ?

- Comment vas-tu faire, Davis ? Le corrigeai-je brusquement.

- Je ne sais pas ! Je ne sais pas du tout.

Il avait soudainement l'air prêt à s'effondrer. Malgré mon dégoût et mon incompréhension, je m'approchai de lui, n'osant toutefois le toucher.

- Je reste Davis, ton frère, tu sais, balbutia-t-il.

- Je sais, Davis.

Non, je ne savais pas. J'essayais désespéremment de m'en convaincre et de trouver une solution. La distance qui ne séparait devait bien être d'un mètre entier.

- Je te repousse tant que ça ?

Je souris. Ca, c'était mon frère.

- Ben... tu ne t'es pas douché depuis deux semaines, et tu es allé te rouler dans je-ne-sais-quoi, alors...

Il esquissa à son tour un sourire.

- Tu sais. Je pourrais apprendre à dissimuler_

- Bonne idée ! Le coupai-je, rapidement.

C'était la solution. Après tout, il restait normal la plupart du temps. Il suffirait de le cacher pendant ses crises. Cette révélation me rassura complètement, je reculai d'un pas, détaillai Davis rapidement.

- Il te faut de nouvelles fringues... Bon, tu prendras les miennes en attendant. Et évite d'aller te promener partout, tu es couvert de marques ! Sinon, il faudra prendre rendez-vous avec l'esthéticienne, qu'elle s'occupe de ta pilosité un peu trop... euh... voyante.

Il porta d'instinct sa main à ses sourcils épais, puis souligna du doigt sa barbe sale et hirsute. Il avait vraiment l'air d'un animal errant, ainsi.

- Va te laver. Il faut aussi trouver une excuse pour ton absence et engager quelqu'un de confiance pour veiller sur toi_

- Tu le feras !

Une lueur de détermination brillait désormais dans son regard. Il releva un peu plus la tête, guettant attentivement un signe d'approbation de ma part.

- D'accord. Je ferais en sorte de coordonner ton emploi du temps avec... Avec la lune...

La lueur vacilla un instant dans ses yeux, je restai immobile, consciente de ma trop grande franchise.

- Désolé. Je ne savais pas que_ balbutia-t-il.

- Ce n'est pas de ta faute ! Petit frère, je_

D'un même mouvement, nous fîmes chacun un pas en avant et nous retrouvèrent dans les bras l'un de l'autre. Il se serra un peu plus contre moi, en quête de caresses.

- Dis, tu voudrais bien aller te laver ? Murmurai-je.

Il dévoila ses canines en un léger rictus, un drôle de rire s'étouffa dans sa gorge.

- Bien sûr !

Et il partit à la douche en sautillant joyeusement.

Voilà. C'est comme ça que tout a commencé.




Publié dans Nouvelles

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